Matinée ennuyante. Saisissante pour le réveil, tout en grognements et retournement de couette. Ennuyant pour avoir dû se pointer à son poste dans une boutique vide. Échappant à faire les poussières, elle préfère en fabriquer en faisant rouler fraises et roulettes sur un quelconque diamant. Sous les outils et ses doigts agiles, la pierre devient création. Se laissant porter par les mouvements, de la pierre sort un serpent. Dernier détail sur les écailles, trois heures de travail se sont écoulées. Bercée par le bruit des machines, elle est comme ailleurs, accompagnant les bruits des outils par quelques vers appris et chéris. Dernière déclinaison d’un poème répété sans fin, une voix l’interrompt. Mains agiles, elle évite la bêtise, l’erreur qui gâcherait toute la pièce. Voilà le patron et ses humeurs bourrus, même lorsqu'il félicite, elle le voit comme un morse exploitant autrui pour se construire son château de glace. Cherchant à flatter son employée, voyant qu’elle est prête à s’envoler pour aller monter son affaire ou échapper à l’ambiance moribonde de la boutique.

Après quelques paroles, qui se perdirent dans le vide, le patron finit par capter son attention. Il parle d’une cérémonie, nouveau lieu de rencontre entre les deux mondes. Mondanités prévues, évènement marquant et opportunité pour le vieux morse. Bafouillant à propos de ce nouveau marché, Sachenka attrape cette perche pour s’échapper de l’atelier. Saisissant une de ses dernières créations pour venir orner sa veste : un papillon dans un dégradé jaune-orangé, dont les ailes s’agitent de manière aléatoire. Broche magique, sur tenue moldue, simple tenue quotidienne : une chemise et un jean. Se fondant dans la foule, l’affaire se complique à l’approche du lieu. Les gens sont venus ensemble, en famille, en groupe d’amis, échangeant sur tous les possibles, quelques-uns rechignent, enfermés dans leur costume de sorciers, des sangs purs suppose-t-elle. S’éloignant d’eux elle préfère se cacher derrière un petit groupe d’amis qui discutent joyeusement.

Être dans la foule et n’y être personne. Anonyme, mages ou non-mages c’est le caractère humain qui réunit toutes ces personnes. Un caractère qui ne convient pas à tout le monde, une main sur les fesses la fait bondir, loin d’être involontaire. L’inconnu a le culot de le refaire, alors elle fait volte-face et applique une gifle magistrale à l’inconnue. Point besoin d’une baguette, quand les réflexes moldus sont toujours là.

inauguration day topic commun

Don't think witches ever needed the  #metoo movement...

Sabrina était au milieu de la foule, figure anonyme parmi tant d’autres. Pas très grande, il lui fallait tout de même se hisser sur la pointe des pieds et lever parfois le menton pour voir un peu plus loin la devanture de l’Entre-Deux-Mondes et les officiels qui s’y tenaient. Elle avait justement eu le projet de visiter un jour ce qu’elle avait entendu être l’une des allées commerçantes les plus fréquentées du monde sorcier, mais elle n’était encore jamais parvenue à en trouver l’entrée.

Sabrina, patientant avec un sourire enthousiaste, observait la foule autour d’elle en attendant que les officiels ne se décident. Elle se demandait qui parmi eux étaient des sorciers, et qui étaient des non-magiques comme elle. Certains, habillés comme s’ils sortaient du tournage d’un film d’époque, ne laissaient place à aucun doute. Pour d’autres, il fallait y regarder à plus près. Voulant filmer l’étrange animal domestique d’une de ses voisines, Sabrina avait par inadvertance surpris dans son écran ce qu’elle avait cru être un non-maj allumer sa cigarette en sortant sa baguette magique de sa poche.

Après un moment de surprise, Sabrina tourna son objectif vers les officiels, tenant son appareil à bout de bras loin au-dessus de sa tête pour avoir un champ dégagé. Clic. Slap. Une exclamation de douleur. Une jeune femme à l’air farouche fusillait du regard un homme qui serait tombé par terre si la foule n’avait pas été aussi dense. Vérifiant sa photo, Sabrina retint un éclat de rire en se mordant les lèvres. Le Ministre de la Magie et la Première Ministre étaient là, dans toute leur dignité officielle, et juste sous eux, au premier plan, se trouvait le visage surpris de l’homme, déformé par la gifle que venait de lui assener la femme devant lui, sa main encore toute proche de là où il n’aurait jamais du la poser.

Admirative, Sabrina releva les yeux sur la femme en chair et en os, essayant d’identifier à quel monde elle appartenait. A quelques pas devant elle, son regard fut attiré par le papillon qui reposait sur le col de sa veste.
« Wow ! » ne put-elle s’empêcher de dire. Il ne s’agissait pas d’un insecte, mais en réalité d’un magnifique bijou, finement travaillé et imbibé de magie pour paraître vivant.
Par réflexe, Sabrina s’apprêta à prendre l’ornement en photo, avant de réaliser qu’à cette distance, et vu l’angle de son téléphone portable, il n’était pas difficile de croire qu’elle prenait surtout le décolleté en photo. Croisant le regard de la donneuse de claque, Sabrina tressaillit et baissa immédiatement son portable.
« La broche ! Je regardais la broche. Me frappez pas, s’il-vous-plaît. »